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Ne pas se tromper de débat...
Nous avons cru bon de reprendre ce billet paru dans la Lettre 54 de la CST (Février-Mars 2000).

     "Que se passe-t-il depuis quelques mois ? Il semblerait qu'une nouvelle ère technologique se mette en place, que le numérique remplace l'argentique.
     Or, il apparaît plutôt que c'est le technologique qui remplace l'artistique. A pensée choisie, mot choisi. Que nous apporte réellement le numérique ?
  • Un faible coût du support ; si cela est vrai, cela permet aussi de tourner tout et n'importe quoi.
  • Une compacité du matériel ; mais ceci n'est toutefois pas nouveau.
  • Des avantages réels en matière de traitement d'image en postproduction ; mais au prix d'un lourd investissement financier.
  • Une fabrication et une visualisation de l'image en temps réel, mais qui, souvent, débouche sur une absence de conceptualisation et de réflexion.

Connaissant tous ces avantages et inconvénients, que constatons-nous ?
     Que l'on fabrique de plus en plus d'images mais que l'on a de moins en moins de temps et d'argent pour y réfléchir ainsi que pour les réaliser. D'où le paradoxe suivant qui fait apparaître qu'il est plus aisé de trouver l'argent nécessaire pour investir dans la technologie, c'est-à-dire derrière l'objectif, alors que l'essentiel se passe devant l'objectif. Le problème n'est donc pas de savoir si l'argent doit aller chez Kodak ou chez Sony mais s'il va devant ou derrière l'objectif !
     Nous, directeurs de la photographie, pensons que tous les efforts doivent se porter sur le devant de l'objectif, en d'autres termes sur la création et l'imaginaire. La CST est là pour pratiquer une veille technologique. Elle se doit d'explorer les différentes filières qui garantissent au mieux la qualité technique et artistique de l'image.
     Il est vrai que le traitement numérique de l'image en postproduction est désormais chose acquise. En revanche, dans l'état actuel des choses, l'enregistrement des images sur support électronique numérique systématise, dans bien des cas, le clivage entre les œuvres ambitieuses et le tout venant. Systématiser le tout numérique serait donc une erreur. Aussi, dans ce débat, on ne peut éviter de se poser les questions suivantes :

  • La génération de la caméra automatique entraînera-t-elle la disparition du métier de directeur de la photographie ?
  • Les métiers de prise de vues disparaîtront-ils, eux aussi, à court terme ?
  • Qu'adviendra-t-il de l'émulation, de la convivialité et de la collaboration dans la création artistique ?
  • Faut-il subir la loi de l'équation : compacité = petite équipe = petit budget = petites ambitions ?

Le terme numérique est plus un mot qu'une véritable révolution technologique. Quant à nous, nous préférons ces quelques mots de Jean Renoir : "Le cinéma est un regard subjectif au travers d'un objectif."

Dominique Brabant et Jean-Noël Ferragut, directeurs de la photographie.
Département image de la CST.